L’ordonnance sans-abri vient d’être approuvée en commission des Affaires sociales. Une ordonnance loin de satisfaire le secteur, et qui n’a pas tiré toutes les leçons du scandale du Samusocial.

Une nouvelle ordonnance sans-abri vient d’être votée en commission au Parlement bruxellois ce mercredi 2 mai. Elle a le grand mérite d’exister, de reconnaître, enfin, le dispositif housing first, l’accueil de jour et d’avoir intégré certains des griefs émis par les acteurs de terrain notamment en renonçant à la mégastructure, le bureau d’accueil et insertion sociale (le BAIS), qui devait fusionner la Strada (Centre d’appui au secteur bruxellois de l’aide aux sans-abri), l’actuel Samusocial et la future structure de coordination « Bruss’help » .

Et pourtant, quelle occasion manquée !

Pas d’objectifs de réduction du nombre de SDF

Le scandale du Samusocial a ouvert la porte à un ré-équilibrage des politiques d’aide aux sans-abris, permettant de sortir de la prééminence des dispositifs d’urgence (illustrée par l’explosion des moyens accordés au Samusocial ces dernières années, comme démontré par la commission d’enquête) au profit de politiques qui permettraient une diminution du nombre de SDF par des dispositifs préventifs et de sortie de rue. Mais le texte du Gouvernement ne va pas dans cette direction, au contraire.

Ecolo et Groen avaient demandé un plan pluriannuel qui comprenne des objectifs chiffrés de diminution du nombre de sans-abri, des objectifs opérationnels, ainsi qu’une planification budgétaire indicative de répartition des moyens, comme cela se fait dans les pays à la pointe. Refus catégorique de la majorité.

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Droit de tirage budgétaire illimité pour l’urgence et le Samusocial

L’ordonnance donne une place prépondérante au « New Samusocial », lui accordant la prééminence sur les autres centres et dispositifs d’insertion. Le texte oblige le Gouvernement à attribuer les moyens budgétaires qui seront estimés nécessaires par le New Samusocial, pour des places d’urgence. A croire que le Collège réuni n’a pas pris la mesure de ce qui se jouait au-delà du scandale des jetons du Samusocial… Concernant tous les autres dispositifs, ceux qui veillent à l’insertion et à la sortie de rue, l’éternel « sous réserve des moyens disponibles » est bien de mise, par contre.

On a donc des moyens illimités pour les dispositifs qui laissent les gens structurellement en rue, sans logement, et des moyens limités et aléatoires pour ceux qui font sortir les SDF de la rue.

L o’ordonnance aurait au contraire du consacrer un nouveau paradigme orienté vers l’insertion durable et le logement et qui vise l’efficience (meilleur rapport coût-impact).

Il est temps que cesse cette politique du thermomètre qui distingue artificiellement la situations des sans-abri en fonction des saisons. Selon le député, Alain Maron, « la responsabilité et la dignité du politique, c’est d’abord de mener des politiques qui empêchent de tomber à la rue; ensuite de sortir de la rue ceux qui s’y sont échoués, en leur donnant accès à un logement et donc à une base pour rebondir. » Ici encore, occasion ratée.

Le dossier social électronique : redondant et pas demandé

Autre pierre d’achoppement, le fameux dossier social électronique pour chaque SDF. Aucune demande du secteur ne va en ce sens, celui-ci va représenter un coût et des moyens en personnel énormes, alors qu’ il existe par ailleurs un dossier social de toute façon établi par les CPAS. Mais les ministres éblouis (ou aveuglés) par le système mis en place à Amsterdam ont refusé d’écouter les acteurs de terrain. Tout juste ont-ils consenti à exclure des données recueillies les données médicales, restent les autres données psycho-sociales sensibles… Pourquoi ne pas avoir limité le dossier social aux données strictement objectivables comme le demandaient les acteurs de terrain dans leurs avis sur le texte du Gouvernement ?

Un texte qui divise au lieu de rassembler

Lors du travail de la commission d’enquête sur le Samusocial, l’opposition comme la majorité ont veillé à ce que le rapport et les recommandations fassent l’objet d’un consensus large. Il aurait dû en être de même concernant ce texte-ci, de réforme du secteur.

Pas de révision réelle de la politique, pas de texte qui rassemble politiques et acteurs. C’est une double occasion manquée, que nous regrettons vivement.

Alain Maron, député Ecolo