Catherine Morenville est première échevine à Saint-Gilles depuis les élections communales de 2018. Elle a en charge les compétences : Espaces publics et Espaces verts, Urbanisme, Égalité des chances et droits des femmes, Mobilité et stationnement.
Un beau challenge pour cette ancienne journaliste, spécialisée dans les questions sociales.

Quel est ton parcours avant d’arriver à ce mandat politique ?

J’ai travaillé comme journaliste au départ avec deux mi-temps : à la fois pour la revue Alter Echos, spécialisée dans l’actualité sociale, et pour la revue Démocratie du MOC. Puis je suis passée à temps plein à Alter Echos, c’est là que j’ai pu construire toute mon expertise et mon réseau avec les acteur·rices du social. Je me suis spécialisée en tant que journaliste sur les matières CPAS mais aussi sur la question des migrations, des sans-papiers et de la politique sans-abri. J’étais à la fois journaliste et secrétaire de rédaction donc je relisais les papiers de tout le monde, ça me permettait d’avoir une vision plus large. J’ai travaillé à ce poste pendant 12 ans.

Comment tu t’es retrouvée à t’engager professionnellement chez Ecolo ?

Au moment où on est monté·es en majorité en 2009, on m’a demandé si j’étais intéressée d’intégrer un cabinet Ecolo. J’avoue que j’ai un peu hésité car j’avais peur de la non-compatibilité avec la vie familiale … j’étais à l’époque mère de deux enfants en bas-âge.

Il était aussi question que je travaille avec Dominique Decoux qui était à l’époque à la présidence du CPAS de Schaerbeek. Comme c’était mes matières de prédilection, c’était très tentant.

Et puis, finalement, il y a eu ce job de conseillère politique sur les matières sociales au parlement bruxellois… C’est finalement vers celui-ci que je me suis orientée, après avoir réussi l’examen, évidemment !
J’y ai d’abord travaillé étroitement avec Anne Herscovici qui était alors cheffe de groupe COCOM-COCOF. J’ai appris tellement de choses avec elle ! Elle était ancienne présidente de CPAS, avait dirigé la Strada, le point d’appui au secteur bruxellois de l’aide aux sans-abri. J’ai renforcé mon épine dorsale politique à son contact, nous avons beaucoup travaillé ensemble sur la politique sans-abri qui a été reprise ensuite par Alain Maron. Nos premières critiques sur le Samusocial datent déjà de cette législature-là et j’avais pas mal écrit aussi comme journaliste précédemment sur le sujet. Anne et puis Alain ont permis le développement chez Ecolo d’une véritable vision politique de sortie de rue et de réinsertion des personnes sans-abris, loin de la politique du thermomètre comme on l’appelle, et de la politique d’urgence que pratiquait le Samusocial à l’époque.

On voit aujourd’hui Alain Maron déployer cette logique du relogement et d’une véritable politique de sortie rue depuis le gouvernement et je m’en réjouis.

C’était comment la vie au PRB ?

J’ai connu le quotidien du travail parlementaire en majorité, puis en opposition… c’est très différent ! D’abord parce que le groupe était différent, plus nombreux en 2009, même si certain·es parlementaires ont fait les deux législatures et puis parce que la posture change alors du tout au tout.

On ne va pas se mentir, c’est beaucoup plus gai et exaltant de travailler comme conseiller.e dans un groupe parlementaire en opposition… parce qu’on peut se lâcher ! (rires)

Évidemment, en majorité, c’est là qu’on fait avancer le projet écologiste, mais il y a aussi la réalité des compromis à faire avec les partenaires. C’est parfois très frustrant de devoir revoir nos ambitions à la baisse passées à la moulinette de nos partenaires de majorité. Il faut aussi se mesurer dans les rapports avec nos propres ministres, quand on est en majorité.

Je pense que la majorité des conseillèr·es politiques qui ont vécu les deux confirmeront que travailler en opposition, c’est beaucoup moins contraignant et on est beaucoup moins pris·es étau en tant qu’élu·e.

J’ai aussi de très chouettes souvenirs avec mes collègues conseiller.e.s et du partage de bureau avec Thibaud Wyngaard, quand nous étions secrétaires politiques du groupe dans l’opposition. Thibaud,qui est lui-même devenu premier échevin à Uccle.

Comment on passe d’employée au PRB à échevine dans une commune ?

J’étais militante Ecolo depuis des années, bien avant de travailler pour le parti. J’ai rejoint la locale en 1999 si je ne me trompe pas, en même temps qu’Alain Maron d’ailleurs Puis j’ai été longtemps secrétaire politique de la locale… Mais je n’ai jamais accepté de me présenter sur une liste électorale tant que j’étais journaliste car je ne voulais pas être étiquetée.
Je me suis présentée pour la première fois pour les élections fédérales en 2010. Ensuite j’ai été élue conseillère communale à Saint-Gilles en 2012, dans l’opposition. Et puis,les élections de 2018 ont mené à ce que je devienne échevine.

A quoi ça ressemble, au quotidien, d’être échevine ?

Des journées types, il n’y en a pas ! Même quand tu crois que tu as un programme bien ficelé, tu te retrouves toujours avec des imprévus, des urgences… Souvent ça ne se passe pas du tout comme c’était prévu dans mon agenda (rires). Il y a bien sûr des incontournables comme le Collège toutes les semaines ou les commissions de concertation, qui marquent une certaine régularité.

Ce qui est déconcertant, c’est d’arriver dans un collège qui a évidemment une longue histoire et ici à Saint-Gilles, surtout plus de 30 ans de majorité absolue du PS. Un bourgmestre et des échevin·es qui ne sont pas du tout habitué·es à travailler avec un autre groupe. Ce fût compliqué pour nous de changer notre casquette, de passer d’une attitude d’opposition à un partage des responsabilités collégiales, mais aussi pour les socialistes d’apprendre à partager l’information et travailler différemment.

Qu’est-ce qui est difficile dans ce mandat ?

Au début, le plus compliqué ça a été aussi d’arriver dans un bureau totalement vide. Aucun ancien dossier, absolument aucune transmission. Le message était clair : « débrouille-toi ». Heureusement qu’on a pu compter sur une administration très collaborante et curieuse de voir un vent nouveau arriver.

C’est aussi un moment où tu perçois très concrètement tous les espoirs qui sont placés en toi et sur Ecolo-Groen et l’énorme pression qui pèse sur tes épaules car les gens s’attendent à ce que tu révolutionnes tout dès ton arrivée. Or, c’est très loin de la réalité. Non seulement il faut des mois pour comprendre le fonctionnement, l’historique et se mettre en selle quand on part de zéro comme cela, mais il faut aussi voir le rapport de force qui n’est pas en notre faveur. Ici, on est 3 sur 10 dans le Collège. Mais on est chanceux·ses, on a déjà pas mal changé les choses, amené de nouvelles façons de faire, des belles victoires vertes, etc. Ca reste toutefois très lent quand on n’a pas le maïorat. C’est donc une position très stressante et parfois frustrante, on est exposé·es à une pression énorme. La charge mentale est permanente, c’est une charge et une responsabilité que je n’avais pas dans mes précédents boulot.

A cela, il faut rajouter la lenteur administrative, ce qui fait que les projets mettent un temps de dingue à se concrétiser. Tu arrives plein·e d’enthousiasme et de naïveté avec des grands projets en te disant « allez dans trois mois c’est ficelé » et puis la réalité du terrain fait qu’un an après, tu commences seulement à voir les résultats. Il y a plein de raisons tout à fait logiques à cela : les marchés publics ça prend du temps (mais ça garantit l’égalité et l’impartialité), les budgets ne sont pas forcément disponibles au moment où on conçoit un projet et il faut donc attendre l’année suivante, un personnel en effectif réduit, etc. Il reste qu’il faut gérer l’impatience des gens pour qui tout cela n’est pas très audible.
Clairement, on doit parfois renoncer à des projets car même si on arrive à obtenir les subsides, si le personnel ne suit pas, ça ne peut pas fonctionner…

Ce qui est également très difficile, c’est de découvrir les réseaux sociaux en tant qu’élu·e de majorité. Tu es sollicité·e et tagué.e vraiment tout le temps, c’est difficile de déconnecter et tu découvres les fake news. La proximité, avec les réseaux sociaux, n’est plus seulement dans la rue, elle est aussi dans ton salon. Ca n’existe pas les vacances !

Et puis, on a qu’une seule collaboratrice pour 3 échevin·es (avec Francesco Iammarino et Jos Raymenants) et personne qui s’occupe de notre com’, on se débrouille comme on peut nous-même là-dessus. Et puis, il nous manque l’aspect groupe-famille des cabinets Ecolo ou de ce que j’ai connu au Parlement où tu peux débriefer, te lâcher, trouver du soutien et du réconfort. La solitude est quand même assez forte. Et c’est un environnement de travail finalement peu bienveillant.

Et alors, qu’est-ce qui te porte au quotidien ?

Plein de choses heureusement. Quand on arrive à réaliser un projet qui nous tient à coeur, c’est incroyablement gratifiant. D’abord, parce qu’une commune, c’est le niveau où tu vois les choses se faire concrètement, c’est ton milieu de vie. Et puis, tu es en contact direct avec les personnes qui bénéficient du projet réalisé et qui en sont heureux·ses et ça, ça compense vraiment beaucoup.

C’est ça d’ailleurs qui est sans doute le plus déroutant avec la crise covid, c’est qu’on est coupé·es des citoyen·nes.
Du coup, les seuls contacts ce sont les e-mails et les RS…et disons que les gens satisfait·es prennent rarement le temps d’envoyer un mot (même si ça arrive de temps en temps, heureusement !).

Etre élu·e local·e, ça donne aussi un tout autre regard sur l’espace public et sa matérialité : je vois le territoire de la commune tout à fait différemment, quand je me promène, je ne peux pas m’empêcher de voir ce qu’il faudrait changer.

Dans mon cas personnel, j’ai hérité de matières où je n’avais que mon expertise citoyenne. J’apprends donc énormément et c’est une grande chance. Je remercie toutefois le ciel d’avoir eu un papa architecte pour piger tout le jargon urbanistique et savoir lire un plan (rires).

Tou·tes les trois dans nos compétences, on a bien réussi à faire avancer les choses et on est fièr·es et boosté·es par cela. Par exemple, dans mes compétences, on a considérablement augmenté toutes les rues cyclables (de 1 à 7 rues), les arceaux, on commence avec les parkings vélos de quartier sécurisés et on est dans l’étude d’opportunités pour le réaménagement de la place Van Meenen (enfin en terminer avec ce parking à ciel ouvert devant la Maison Communale et piétonniser !). On a hâte de pouvoir en faire un endroit qui met en valeur notre magnifique Hôtel de Ville, mais surtout où les habitant·es peuvent se réapproprier l’espace.

En Egalité des chances et Droits des femmes (qui est ma compétence « cocon », celle où je retrouve davantage mon expertise professionnelle et et mes vraies affinités ), l’avantage c’est que c’est plus rapide, parce que ce sont rarement des projets d’investissements. Le revers c’est que sont de petits budgets et qu’il faut se battre pour en obtenir davantage. On a pas mal de victoires à ce niveau, d’abord le genderbudgetting qui est une petite révolution pour les finances communales, une installation artistique sur les féminicides, la première grève des femmes à la commune, des formations au harcèlement de rue, …. Et puis, on commence à travailler de manière vraiment transversale, ce qui est la clé de l’efficacité !
Notamment avec le projet «What the foot !», qui sera une expo-photo dans l’espace public sur le football féminin. On va faire plein d’animations autour de cela (quand on le pourra sanitairement!) avec les services enseignement, jeunesse, cohésion sociale, sports, etc.
Avec Jos, on a renforcé la « vélotheek ». A Saint-Gilles, on a décidé de ne pas créer d’effet d’aubaine avec des primes qui bénéficieraient à des gens qui n’en ont pas forcément besoin et donc on consacre notre budget à cette « vélotheek » qui fonctionne comme bibliothèque pour vélos, à destination des enfants des écoless. On travaille avec Pro Vélo qui apprend aux enfants à rouler à l’école et en dehors. On est en train d’élargir à des formations et prêts pour adultes.

Enfin, un dossier moins visible et sexy mais très important pour l’urbanisme, c’est la transparence sur les lignes de conduite que j’essaie d’instaurer au niveau du service urbanisme. Elles existent mais implicitement, c’est impossible de trouver des formalisations écrites. Un gros travail est en cours actuellement avec le service, avec la création de fiches à la fois pour la transparence mais aussi pour que ça soit lisible pour le/la citoyen·ne.
L’urbanisme ce n’est pas facile au niveau communal car on est parfois obligés d’assumer des décisions qui découlent souvent de règles que nous n’avons pas édictées… mais on a quand même réussi à obtenir une belle victoire : en finir avec les panneaux publicitaires digitaux !

Un truc positif dans toutes les difficultés de la crise ?

Je dirais la possibilité comme échevine de la Mobilité d’appuyer sur la pédale d’accélérateur sur les projets mobilité (rues cyclables, espaces de rencontres), les rues aux jeux et les projets « Bxl en vacances » de réappropriation de l’espace public par les habitant.e.s, soutenus par la Région, qui ont très bien marché à Saint-Gilles. Et puis aussi l’équilibre vie de famille – vie professionnelle. Je vois beaucoup plus mes enfants et mon compagnon depuis la crise sanitaire puisque beaucoup de mes réunions se font en virtuel. J’ai moins d’obligations extérieures et donc je peux rester davantage à la maison. Avoir du temps pour celleux qu’on aime, ça c’est un truc à garder pour le monde d’après (rires).